F. Morenzoni: Marchands et marchandises au péage du Villeneuve de Chillon

Titel
Marchands et marchandises au péage du Villeneuve de Chillon. (première moitié du XVe siècle)


Autor(en)
Morenzoni, Franco
Reihe
Cahiers lausannois d'histoire médiévale
Erschienen
Lausanne 2016: Université de Lausanne
Anzahl Seiten
402 S.
von
Gilbert Coutaz

C’est en véritable spécialiste de l’histoire commerciale du Valais du bas Moyen Âge que Franco Morenzoni signe sa dernière contribution sur les flux de marchandises à travers les cols du Simplon et du Grand-Saint-Bernard; il s’appuie sur l’étude détaillée des six cahiers de comptes journaliers, aussi rares que précieux, du petit péage de Villeneuve, entre 1423 et 1443. La position géographique de la localité permet de mesurer les échanges internationaux entre le sud et le nord de l’Europe, dans le sens de l’aller et du retour, et de capter les flux commerciaux régionaux entre le Chablais, le Valais savoyard et le Valais épiscopal.

Outre l’édition de l’intégralité des comptes de péage (16 mars 1423-15 mars 1424; 16 mars 1430-15 mars 1431; 27 mars 1432-26 mars 1433; 27 mars 1433-26 mars 1434; 27 mars 1434-26 mars 1435 ; 27 mars 1442-26 mars 1443), conservés à l’Archivio di Stato di Torino, et les deux comptes de la petite «Partison» et du petit poids de Sion (23 avril 1416-22 avril 1417; 13 avril 1424-29 juillet 1425), des Archives de la Bourgeoisie de Sion (déposées aux Archives d’État du Valais), l’auteur dresse un vaste panorama des activités marchandes entre le milieu du XIIIe siècle et la première moitié du XVe siècle. Il emprunte des éléments déjà au XIIe siècle. Il prévient les risques encourus par le recours à une seule série documentaire en élargissant entre autres ses investigations aux comptes du péage de Saint-Maurice qui offre des points de comparaison utiles pour définir ou pondérer un phénomène ou une tendance.

Dans son premier chapitre consacré aux infrastructures, l’auteur reconstitue ainsi la cartographie des péages aux pratiques tarifaires différentes, voire compliquées du moins jusqu’à la première moitié du XIVe siècle, à travers le Valais épiscopal et le Valais savoyard, de Brigue à Villeneuve, en passant par Sion, Riddes, Martigny et Saint-Maurice, sans oublier les péages, certains éphémères, d’autres affectés à la seule perception des droits de passage des animaux tels Aigle, Sembrancher, Leytron, Saxon, Saillon, Conthey, La Soie, Sierre et Chandolin.

Le trafic international était ponctionné principalement aux deux péages de Saint-Maurice et de Villeneuve. À la différence des évêques de Sion, les comtes, puis ducs de Savoie ont toujours été réticents à inféoder les péages qu’ils contrôlaient, ou à acenser les produits. L’auteur s’intéresse aux aspects de l’entretien et de la itinéraires et à les maintenir praticables; des dispositions étaient prises pour prévenir les vols ou pour indemniser les victimes); aux entrepôts («soustes») dont les frais de construction et d’entretien incombaient en partie aux bourgeoisies; aux voituriers et à leur organisation depuis la seconde moitié du XIIIe siècle (de nombreuses familles en vivaient) ; aux moyens de transport (en Valais, ils étaient exclusivement terrestres, la voie d’eau du Rhône n’a joué aucun rôle), aux étapes et à la durée des trajets. Dans le deuxième chapitre, l’auteur décline les structures du trafic régional dont l’énoncé de chaque subdivision suffit à donner la nature et la diversité des échanges: les produits de l’agriculture (les céréales; les légumineux, l’ail et les fruits ; le vin); les animaux et les produits de l’élevage (les ovins, les bovins et autres animaux; les fromages; le suif ; les peaux et les cuirs; la laine) ; les harengs et les autres poissons; le sel ; l’huile, le miel, le beurre et le safran; les draps et les tissus; les métaux et les produits de la métallurgie. À la question sur l’origine géographique des marchands sur le plan local et régional, l’auteur répond que ce sont surtout ceux des localités les plus proches du péage qui assurent l’essentiel des mouvements commerciaux, en particulier les habitants d’Yvorne, Vevey et Noville, ainsi que les ressortissants de Fribourg, Saint-Maurice, Ivrée et Sion. Les villes de Vevey, Fribourg et Genève exercent une grande attractivité sur les flux de marchandises interrégionaux.

Justement dans le chapitre international et les foires de Genève, ce sont principalement les Milanais qui ont fait la réputation de la circulation à travers le Valais dès le milieu du XIIIe siècle, par le col du Simplon. En en devenant des utilisateurs réguliers, ils ont fourni l’argent pour en améliorer les infrastructures et les capacités d’absorption du trafic en forte croissance. Leur débouché commercial était principalement constitué par les foires de Genève, au nombre de cinq par année. Elles connaissent au XVe siècle leur période la plus florissante. À leurs côtés, il ne faut pas oublier les marchands du Val d’Aoste et du Piémont qui empruntaient le col du Grand-Saint-Bernard, sans que celui-ci n’atteigne le volume et la valeur des marchandises qui transitaient par le col du Simplon – les Piémontais seront très présents au travers des nombreux établissements de prêts dans le Chablais et le Valais, au moment où le commerce est au plus fort de sa croissance, entre 1280 et 1320. Cette croissance a amené la monétarisation de l’économie et une grande diversification des métiers autour du passage de la route.

Au XVe siècle, les Milanais généraient presque la moitié des recettes. Le commerce du sel, pour l’essentiel en provenance de Salins, apportait un peu moins du sixième des recettes (16%), tandis que le reste assurait un peu plus du tiers des recettes. Les chiffres démontrent de grandes oscillations dans les revenus du trafic de passage, dans la première moitié du XVe siècle, à une époque où la route du Valais ne faisait plus partie des grands axes du commerce international. Ce sont les foires de Genève et, dans une moindre mesure, l’économie fribourgeoise qui ont maintenu l’exploitation de cette route. Le déclin du trafic international, progressif dès les années 1330, malgré des embellies temporaires, tient à de multiples facteurs: les épidémies endémiques de peste qui provoquent de fortes baisses de population, le choix d’autres itinéraires, notamment par voie maritime, et la réduction du nombre de foires régionales et locales.

Il faut souligner l’importance de la publication de Franco Morenzoni dans la connaissance générale de l’histoire du canton du Valais. Elle renouvelle en partie et approfondit le chapitre «Fin du Moyen Âge» de l’Histoire du Valais, parue en 2002, et fournit un matériau d’étude comparative par la richesse de ses index: noms de lieux et de personnes, et des marchandises. Elle s’inscrit dans la dynamique des travaux scientifiques publiés depuis quelques années sur le Valais. Elle peut être considérée désormais comme une monographie incontournable sur l’histoire économique du Valais, à la fin du Moyen Âge.

Zitierweise:
Gilbert Coutaz: Franco MORENZONI: Marchands et marchandises au péage du Villeneuve de Chillon (première moitié du XVe siècle), Lausanne: Université de Lausanne, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 242-243.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 242-243.

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